Extrait

Dix ans qu'Ambroise n'avait pas revu son fils, et trois qu'il ne répondait plus à ses lettres pourtant fidèlement expédiées, chaque semaine ! Oui, chaque semaine, sans jamais renoncer. Parce que, n'est-ce pas, quand on a connu la présence d'un fils, quoi que l'on fasse, quoi qu'il se passe, on ne peut l'oublier. Il avait essayé, pourtant, Ambroise, au début, il s'était fait violence, il lui en avait voulu, mais non : cet enfant lui était entré dans le cœur et il avait beau faire, son fils n'avait jamais pu en sortir. (...) Qu'est-ce qui peut bien se passer dans la tête des enfants qui font des études quand soi-même on ne connaît que l'essentiel ? On sait écrire, on sait dire le manque et la douleur, mais peut-être qu'on ne connaît pas les mots qu'il faudrait pour ramener un fils vers soi. (...) Cependant il n'avait pas perdu espoir : ce défaut d'espérance l'aurait tué. Or il devait rester vivant pour cet enfant qui reviendrait un jour. Car c'était sûr : Vincent reviendrait, il ne pouvait pas en être autrement.